dimanche 25 octobre 2009

Laisse 48 : Paroles d'île


48 - Paroles d'île
Sous un soleil de plomb, l'île m'a chuchoté...

"J'ai besoin pour exister de bière et de mots.
Dans mes kops, chacun est accueilli par son nom, parfois par un baiser ou une poignée de main.
Les visages inconnus ne sont pas tous des étrangers, mais ceux du continent se repèrent à leur façon de se diriger vers les coins les plus sombres et de choisir, dans la mesure du possible, une table vierge de toute canette. Ceux d'ici recherchent le siège vide à la table la plus animée.
Les étrangers rendent le climat venteux et humide responsable des coutumes grégaires de mes humains. Vrai, peut-être, mais je ne leur demande pas la texture de leurs sous-vêtements pour les cataloguer, moi!
Les garde-manger se remplissent à l'escale des oies sauvages. Durant cette période, elles sont dégustées grillées, rôties, ou préparées en confits. Les hommes prélèvent leur part en spécimen adultes qui perdent ainsi leurs chances de mourir au cours de la migration, et finir à la dérive sur les océans engraissant des poissons carnivores qu'ils ne mangeront pas.
Les chasseurs sont moins cruels que les éleveurs. Ils capturent des volatiles ayant bien vécu leur vie d'animal, libres, plutôt que de les engraisser en espace clos avant de les abattre sans leur donner le moindre espoir d'échapper au massacre.
Admettre l'entretien d'animaux pour les mieux décimer, c'est aussi étrange que permettre aux puces d'élever des hommes pour ne jamais manquer de sang frais ? Pourquoi pas?
Mes kops sont les points d'articulation privilégiés de mon quotidien pluriel, comme les grèves et les digues. Les faits s'y transforment en sonorités signifiantes, en phrases lancées qui s'entrechoquent, desquelles s'échappent des mots qui rebondissent et se recombinant pour créer des récits insensés aux oreilles de ceux qui n'en sont pas les destinataires.
Quel plaisir de plonger dans un bain chaud de mots clairs qui glissent les uns sur les autres, s'emboîtent ou se percutent pour s'associer incestueusement en ouvrant de nouveaux horizons à l'esprit curieux qui les capture ensemble. Qui donc a observé ce petit chenal vert riant sous une touffe de céleri?
A la tombée du jour, avec la foule, les mots deviennent syllabes, puis sons fondamentaux comme vent agitant les feuilles du peuplier, comme vague roulant le galet...
Puis naît le son unique, riche d'harmoniques aigus comme cristal frappé et graves comme voix de baryton, nets comme sabot martelant les pavés et glissants comme huis huilé...
Vers la mi-nuit, le bruit redevient son, syllabes, mots, phrases incohérentes, dialogues... non-bruit.
La fatigue a renvoyé mes hommes au fond de leurs solitudes"
SILENCE

SILENCE Echo :
J'ai aussi besoin pour vivre du sommeil des Etres.
Sais-tu comment te taire ?

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