vendredi 2 octobre 2009

Laisse 57 : Moissons

Rêve de femme


57 - Moissons
Nul ne peut comprendre l'ivresse, la rage et la patience du citadin devant un champ de blés mûrs, pas même un autre citadin, pas même le paysan qui l'a semé. D'abord l'ivresse de découvrir enfin le premier maillon de la chaîne qui conduira au pain de tous les repas. Ensuite la rage de voir de gigantesques machines abandonner lâchement quelques plants à la moisson. Enfin la patience de récupérer les épis oubliés en réfléchissant sur leur devenir.
Après en avoir séparé mille pour les peser et connaître les caractéristiques de la variété, les grains grossièrement concassés iront ajouter du croquant aux galettes de l'hiver. Les épis seront rassemblés en bouquets, inévitables nids à poussière, mais si dorés. Les entre-nœuds des tiges se substitueront aux chalumeaux de plastique, rarement utiles hors les baraques à hamburger, pour siroter les colas de l'aérophagie. Les longues feuilles tressées constitueront de petits objets informes à l'esthétique douteuse à joindre aux "objets de fin d'année" amoureusement sculptés par des générations d'écoliers de maternelle. "C'est moi qui l'ai fait, c'est cadeau !" à placer entre la girafe stylisée en plâtre écaillé et la Tour d'Eiffel en plastic-souvenir-de-Paris.
Qui partagera la folie, la fureur, l'attente des humains rêvant la vie des autres pour oser vivre leurs rêves?


Voix du narrateur : Pendant le bleu d'un rêve, Ta vie a pris le vent, et tu vas bien... Bien... Où est la question ? Prends le vent, une obole aux dents… Ose !

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