jeudi 1 octobre 2009

Laisse 101 : ecce homo



Croisées vermeilles


001 - Ecce homo
Un revolver collé sur ma tempe gauche, mon index se crispera sur la gâchette. Déclic. Le barillet n'aura pas été chargé par mes fantasmes nocturnes bien refoulés par un sommeil chimiquement plombé.

Pourtant, cette nuit, une espèce de momie recroquevillée en position fœtale est venue me parler. Et depuis, le son de sa voix tourbillonne dans mon crâne en volutes si glacées qu'il me faut l'expulser au plus vite pour tenter d'en comprendre le sens avant qu'il ne congèle ma raison.

"Pourquoi m'as-tu fait revenir... Au début, j'étais mal, mais maintenant, j'avais chaud depuis qu'on m'a mis des pantoufles."

Qu'est-ce qui a bien pu ramener cette phrase, cette association de mots, depuis le tréfonds de mon inconscient?

La momie, je la connaissais sans la reconnaître. Cet ami, je l'aimais comme on aime un homme de sa race, semblable et différent. Physiquement aussi brun et poilu que j'étais blanc de peau et presque glabre, à l'exception des moustaches, intellectuellement aussi littéraire que j'étais scientifique, nous nous accordions.

Il est parti voici quelques années, décédé de non-assistance à personne en mal d'amour. Crise cardiaque pour un cœur mâle aimé.

Culpabilité?

Il barbote vivant au sein de ma mémoire, émergeant pour un éclat de soleil que nous avions partagé en un lieu précis ou plongeant pendant certains quotidiens pluriels.

La dernière fois que nos regards se sont croisés, il accompagnait mon toujours départ d'un geste large de ses grosses pattes velues et du regard clair qui rayonnait après l'amour partagé. Il n'a pas attendu que notre relation s'émousse pour prendre le large.

A l'ultime instant, il a dû avoir très mal en se recroquevillant seul au petit matin dans l'herbe humide après l'orage. Il était glacé lorsqu'on le retrouva sur le chemin en pente douce.

Son livre des morts, son passage serein sur l'autre rive dépend certainement de mes pensées. C'est la seule façon de lui tenir encore la main.

Qui est le "on" qui a eu la charité de lui mettre des pantoufles?

Et pourquoi les pieds plutôt que les épaules évidentes?

Son "Pourquoi m'as-tu fait revenir" était amer comme le ton d'un nageur qui vient de traverser la Manche à la nage et qui s'aperçoit qu'il a oublié ses clés sur la plage de départ et doit se replonger à l'eau pour retourner les chercher.

Ton triste mais sans colère, pardonnant d'avance par amour à celui par lequel les épreuves arrivent. Et moi, je ne sais toujours pas pourquoi malgré les mots qui se bousculent encore pour sortir.

Peut-être l'ai-je appelé par désir de le rejoindre... ou peut-être par culpabilité de ne pas avoir pensé à lui depuis quelques jours... ou... Les mots répudiés qui jaillissent vident l'abcès. Allumer une cigarette pour résister sans violence à ce tourbillon et laisser quelques mots blancs retenus comme des pieux sur lesquels je rebâtirai ma cité lacustre. Oui, blancs. La question était importante, pas la réponse...

L'écluse des mots se referme, l'hémorragie est jugulée. J'ai encore réussi à le retenir en moi.

Aucune déchirure ne viendra fragiliser le tissu grisaille du matin pluvieux. Cette première cigarette ne sera pas encore la dernière. Dans un long silence, j'échangerai l'arme à feu contre un rasoir dont le crissement sur ma peau artificiellement tendue par la mousse d'une bombe finira d'éveiller mon conscient.

Tu regarderas le soleil se lever et j'irai bien... Ce ne sera pas encore le sourire que tu as connu, limpide à travers les vapeurs d'un thé bouillant, mais ça ira pour moi...

Chaque image épinglée au mur participera comme elle peut à la résurgence de ma bonne humeur indispensable aux rencontres quotidiennes : les gris des aquarelles pour la transition, les rouges des photos pour franchir le seuil, le bleu serein de Rêve de femme (le dernier graphe de la série Breze) pour saluer un homme heureux. Et toi ?

Bang : ding ding ding ding ding dong (de l'horloge) Tiens, il est déjà six heures (du héros)... Reprendrez-vous un peu de thé ? Et toi un baiser ?

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